Histoire de la soie à Charlieu

 

 

L'histoire de Charlieu - et de la région qui s'y attachait sous l'ancien régime : le Charluais - est indissociablement liée au tissage. Charlieu, Carus locus, ce « Cher lieu », s'est constitué autour de son abbaye bénédictine fondée au IXe siècle. L'économie textile apparaît pour la première fois à Charlieu dans la charte de franchise octroyée aux habitants au début du XIIIe siècle. C'est une période d'expansion économique et démographique de la ville, protégée par le roi Philippe Auguste depuis 1180. Charlieu se trouve alors sur deux itinéraires importants : la route principale de Lyon à Paris et une route permettant de relier les vallées de la Loire et de la Saône, ainsi que les ports de Pouilly-sous-Charlieu et de Belleville-sur-Saône. La ville prospère et compte trois-mille habitants. Deux siècles plus tard, l'axe du trafic se déplace vers Roanne et la ville perd de son importance. Il faut attendre le XIXe siècle pour que le tissage de la soie, apporté par les entrepreneurs lyonnais, offre l'opportunité aux tisserands locaux d'une activité plus lucrative que le travail traditionnel du lin et du chanvre. La conjonction de l'envie des tisserands charliendins de changer de modèle économique et du besoin des soyeux lyonnais de « délocaliser » la main d’œuvre pour des ouvriers plus conciliants que les turbulents canuts, va produire ce rapide engouement de la région pour la soie. Il faut cependant rappeler que le premier « lyonnais » à exporter son travail est un certain Barthélémy Roux, vers 1820, soit 14 ans avant la révolte des canuts. D'autres suivront l'exemple de ce précurseur et le charluais devient alors un centre important du tissage de la soie. C'est la naissance des fêtes de la soierie (voir l'article que nous leur consacrons ci-dessous). Il se produit à la fin du XIXe siècle un regain économique pour Charlieu, que l'électrification de la ville en 1909 accentue encore. Les ateliers domestiques et les « cabines » de tisseurs se multiplient dans la région. L'élan est assez puissant pour inspirer la création d'une école supérieure professionnelle dédiée au tissage. En 1925, la seule industrie de la soie atteint localement un chiffre d'affaires de deux millions de francs. Vers 1950, sur le secteur Charlieu-Belmont, vit une cinquantaine d'entreprises qui rassemblent 1500 métiers, auxquels il faut ajouter quelque 500 métiers pour les ouvriers à domicile et le double encore pour les façonniers à domicile.

 

Le mouvement se poursuivra jusqu'en 1955 environ, puis un lent déclin commence. En une douzaine d'années, une usine sur trois disparaît. En 1970, l'industrie textile emploie moins de quatre-cent personnes. « En 2015, quatre entreprises existent encore à Charlieu. Elles sont innovantes, dotées d'un matériel performant, ou assurent des fabrications de niche qui leur permettent de faire face à la concurrence des pays émergents. A l'instigation de la Société des Amis des Arts de Charlieu, un musée de la soie est créé par la municipalité de Charlieu, dans l'ancien Hôtel Dieu de la ville. Il est inauguré en 1992 et présente du matériel de soierie ancien et contemporain, collections et tissus. » C'est un lieu de mémoire et de transmission. Il est actuellement dirigé par Danièle Miguet, conservatrice, et propose des visites guidées et des expositions temporaires en plus de la présentation permanente.

 

Texte d'après Jacques Quey et Jean-Paul Monchanin (in Charlieu – Les grandes fêtes de la soierie, Tome I, par Jean-Paul Dalary) et Charlieu, ses monuments, son abbaye, par le Dr Barbat, 1907.

 

 

 

 

 

 

Veraseta - un tour dans l'atelier - octobre 2016

 

Une paroi de carton d'abord, des étagères combles de boîtes criblées d'étiquettes numérotées. Autant de références de couleurs, de préconisations pour les clients. Dans chaque boîte, des enveloppes, dans chaque enveloppe, un « mouchet » et « un roquet », les deux formes que prennent les échantillons de soie qui serviront de modèles. En face de ce mur, une balance à deux plateaux dans son socle de bois, accompagnée de ses poids, aunes vénérables dont la plus massive ne se soulèvera pas sans un bon effort : elle fait 10 kilos, concentrés en quelques centimètres de fer. Elle sert à peser les flottes de soie. Le chef d'atelier nous confie qu'il vérifie « toujours » et toujours avec cet appareil pas loin d'être séculaire. Nous verrons que, de la même façon sur tout le parcours, chaque étape de la fabrication, à Veraseta, s'inscrit dans la tradition.

 

Ensuite, ce sont les ourdissoirs, les grandes roues squelettiques qui tour après tour, s'habillent de soie. Devant l'appareil, notre documentation, notre passage au musée de la soierie prend soudain sens et vie. L'ourdissage garantit la tension égale des fils de chaîne, leur parallélisme et leur distribution précise avant de rejoindre « l'ensouple » du métier. L'ourdisseuse répartit les fils tirés des bobines placées sur le « cantre », entre les dents métalliques d'un peigne. La machine enroule les fils sur le tambour. Le cylindre tourne autour d’un axe central, selon sa circonférence on déterminera le nombre de tours qu’il faudra faire pour atteindre la longueur voulue de la future chaîne. Ce n'est qu'une des nombreuses étapes de préparation du tissage.

 

Une autre salle, et ce sont des alignements de dizaines de petits tambours ajourés, métal et bois, sur lesquels sont enroulés les flottes de soie. On dévide les « flottes » pour préparer les bobines (les roquets, dont nous avons vu des exemples à l'entrée, dans les boîtes de carton) qui rejoindront le cantre. Nous le découvrons en second, mais il s'agit en fait de la première étape, le moment où la soie arrivée en écheveau flasque doit se plier à la forme « industrielle » qui va permettre de la tisser. Toutes les opérations : encantrage, ourdissage, remettage, tissage, suivront. Si un fil casse, l'expérience de l'ouvrière seule permet de retrouver dans l'écheveau inextricable, l'amorce du fil de soie, extraordinairement fin.

 

Une nouvelle porte franchie, et c'est la grande respiration mécanique des métiers à navettes qui pulsent leur sang de soie, c'est le grand orgue des claquements et des vibrations qui ont fondé la légende des canuts, la scansion fameuse, le bistenclaque, cette musique qui rythmait la vie d'ici autrefois, la rumeur têtue des machines dont on percevait les échos derrière chaque porte, sous chaque toit ou presque. Ce tempo, c'est le battement sanguin d'une ville industrieuse.

 

Nous y sommes. Voilà ce que nous nous disons en pénétrant dans l'atelier. Nous voici au contact, happés par la régularité fascinante des machines, engourdis et comme hypnotisés par le bruit formidable. Pourtant, seuls quelques métiers sont en marche, la plupart sont assoupis. Une ouvrière à qui nous évoquions ce passage assourdissant dans l'atelier, nous a expliqué que la multiplication des métiers n'a pas pour effet d'additionner le son, ce n'est heureusement pas exponentiel. Devant chaque métier, ou entre deux, les tisseuses vérifient, alimentent, corrigent, effleurent de la paume la nappe de tissu rutilant qui s'exhausse insensiblement, elles s'assurent ainsi de la tension, de la régularité, de la propreté. De belles surfaces de soie rayée miroitent sous le jour apporté par les verrières. Nous sommes préparés, depuis le temps que nous travaillons sur le sujet, mais nous ne pouvons retenir notre étonnement à considérer ce contraste entre la cadence obstinée des métiers, la quasi férocité des engrenages et des rubans, la frénésie des lisses qui tombent et se soulèvent, la détonation des navettes, leur vitesse effrayante, et la délicatesse des tissus que tout ce monstrueux appareillage déploie sous le regard du visiteur. Comme si une furieuse bataille mécanique avait pour mission de produire le chatoiement du ciel, pour l'éternité.

 

 

Les Fêtes de la soierie

 

 

On sait que la Confrérie des Tisserands est citée dans une donation de 1542 et on la retrouve ensuite au XVIIe siècle puis au siècle suivant. Malgré cette très ancienne histoire, les archives de la Corporation ne commencent qu'en 1865, avec les comptes-rendus de réunions écrits « sous les auspices de la Sainte-Vierge ». Les tisserands ont en effet choisi le patronage de Marie et il est donc logique que la fête des soieries se déroule lors d'une fête mariale. La date de l'événement, début septembre, est celle de la nativité de la Vierge, une fête joyeuse, porteuse d'espoir.

 

C'est en référence à cette histoire millénaire, que le premier article qui concerne « la fête des Canuts », dans le Journal de Charlieu de 1893, la salue comme un retour « aux saines traditions », une « fête ressuscitée, sortie magnifique de son tombeau ». La manifestation est considérée comme un regain de la fête de la corporation des tisserands, née au Moyen-Âge. Au programme : course cycliste (appelée à se développer), gymnastique, tirs (et défilé des tireurs), bal et feux d'artifice. Il y a d'emblée « la volonté d'associer l'ensemble de la population, toutes classes sociales et âges confondus est nettement perceptible » comme c'était le cas au Moyen-Âge (Danièle Miguet). Elles ont acquis une telle importance, leur caractère particulier, avec notamment l'épisode bien connu de l'élection des Royautés (voir l'article que nous leur consacrons), les a tellement ancrées dans l'identité de la ville que les Fêtes de la soierie, ont été retenues par la Fédération des Ecomusées et Musées de Société comme emblématiques du patrimoine culturel immatériel, sur une proposition de Danièle Miguet. La même fédération a ainsi retenu le carnaval de Dunkerque ou la course landaise.

 

Bibliographie : « Les Grandes fêtes de la soierie », Jean-Paul Dalary. Préface de Danièle Miguet.

 

 

 

 

 

Fête des tisserands et Royautés 2016

 

 

Il est à peine neuf heures, ce 11 septembre 2016. Le jour est clair, Charlieu savoure la douce inertie des dimanches matins. Place Aristide Briand, un petit groupe d'hommes se remarque facilement. Bicornes, pèlerines, culottes et bas, ils ont voyagé depuis le XVIIIe siècle jusqu'à nous. Ils attendent. Bientôt, sur le boulevard, une calèche apparaît, conduite par un homme en haut de forme et tirée par une puissante jument blanche. Les sabots martèlent le bitume. Soudain, son pas paisible se trouve amplifié par un écho de tambours et de cuivres. Un chatoiement d'or et de fer jette ses éclats au fond du boulevard. Les visiteurs du passé sont cette fois des gardes impériaux, nombreux, impressionnants, avançant lentement en musique. L'illusion est parfaite. Les grenadiers viennent de surgir d'un tableau de Meissonier pour accompagner la promenade des Royautés. Ils sont en fait des amateurs (et amatrices, cachées sous la virilité de l’uniforme et du casque à poils), passionnés de la période napoléonienne, costumés avec soin. Les organisateurs de la Fête de la soierie ont choisi le thème de l'Empire cette année et ont invité la garde impériale de Dijon pour donner du relief aux cérémonies.

 

La calèche, toute écumante de mousseline et de rubans bleus, va ainsi être accompagnée en musique pour parcourir les rues de Charlieu et emporter l'un après l'autre une petite reine, un petit roi, une petite dauphine et un petit dauphin, âgés de 4 à 6 ans, magnifiquement costumés. Depuis leurs banquettes, sur tout le parcours, les enfants impressionnés oublient souvent qu'ils doivent sourire et saluer leurs sujets. La procession fait le tour de la ville, suspend sa marche pour un hommage au Monument aux morts, puis repart pour retrouver le centre ville, précédée du porte-bannière. Cette bannière récente, œuvre d'une artiste actuelle, représente Notre-Dame de septembre. Elle est un des rares objets muséographiques à pouvoir être extrait de collections pour vivre une fois l'an sa vie de symbole religieux. Il en sera de même pour la statue de la vierge, portée à l'épaule par les « syndics » (membres de la corporation). Bannière de soie et Vierge d'argent ne processionnent pas seuls : un modèle réduit de métier à tisser les suit, car la fête de la soierie, dite naguère fête des canuts, est celle de la corporation des tisserands. La population, où l'on compte de nombreuses personnes costumées*, leur emboîte le pas et anime joyeusement les rues.

 

L'origine du rituel qui encadre l'élection des « gentils rois » est assez floue. Suspendue pendant la Révolution, la fête ayant repris des couleurs grâce à l'avènement du travail de la soie dans la région au XIXe, la vente aux enchères des titres des rois et dauphins est ressuscitée. Elle est la dernière du genre en France. Avec la procession religieuse, cette survivance pittoresque a sans doute contribué à ce que la fête reçoive le label de patrimoine immatériel d'exception par l'UNESCO (voir articles Fêtes de la soierie et Portrait Danièle Miguet).

 

Les enchères se déroulent sur le parvis de l'église Saint-Philibert, après la messe rituelle au cours de laquelle un pain consacré est partagé. Les enfants trônent sagement dans leurs costumes où dominent le bleu et le blanc (les deux couleurs sont utilisées partout, costumes et décors, pour évoquer la figure mariale). La foule s'est rassemblée, le moment est convivial, un couple à tour de rôle anime l'événement. Les titres de roi ou de reine ne sont pas forcément les plus disputés et les titres de dauphin et dauphine inspirent des mises de même niveau que les titres royaux. Cette année, l'enchère la plus élevée a tout de même été arrachée à 1500 euros. L'an dernier, le record était de 1700 euros. On voit par là qu'il s'agit d'une affaire sérieuse.

 

La fête reprend dans l'après-midi, dans une configuration moins sacralisée mais également chargée de traditions, avec défilé de chars décorés, courses cyclistes etc.

 

 

 

* Les costumes de la fête sont tous conçus et réalisés depuis une quinzaine d'années par les « Dames de la Tour ». Un prochain article donnera la parole à ces couturières d'exception.

 

 

 

 

 

Antonin Lugnier (1869-1946)

 

Chanson naïve

 

Sur la photo, on voit Antonin Lugnier, posant le plus sérieusement du monde et fixant l'objectif. Cependant, sous la moustache fournie typique de l'époque, il n'est pas illégitime de deviner une malice, un sourire de poète qui ausculte le monde sans y puiser d'amertume. La légende qui le désigne comme « Président du Caveau » mérite une explication que nous donnerons plus loin.

 

Lugnier, Né à Roanne le 13 juin 1869, fut un poète et un chansonnier (on dirait parolier aujourd'hui). Ses Sonnets foréziens (« mignons bijoux si joliment ciselés » dit le journal de Charlieu) furent publiés en 1898 par la maison d'édition Appel, sous forme d'album illustré (« par de merveilleux artistes », insiste la même gazette, décidément conquise).

 

Sa réputation fut assez grande pour qu'il se trouvât invité à dire des extraits de ses chansons aux soirées de la Lice Chansonnière, à Paris, en novembre de la même année. Le journal de Charlieu, toujours fidèle, se fit l'écho de cet épisode en publiant les couplets de Comme tes yeux, sous-titrée avec lucidité Chanson naïve, que le poète avait présentée dans la capitale : « M'en étais allé par les moissons blondes / Un matin brûlant du fier Messidor... » et c'est de Paris, si l'on en croit la signature, que Lugnier écrivit les vers mélancoliques d'une nouvelle chanson, Les portraits : « Aux soirs brumeux quand vint l'automne / Je dus confier pour jamais / À la terre clémente et bonne / Le corps de celle que j'aimais... »

 

Le passage de Lugnier à la Lice Chansonnière dut être assez remarqué pour qu'il en devienne rapidement le vice-président. Puis, en 1908, il rejoint la quatrième société du Caveau et en devient le président en 1924. Qu'est-ce que cette « société du Caveau » ?

 

Les enfants du Caveau

 

La société du Caveau est une célèbre goguette parisienne créée en 1729 par Pierre Gallet et qui disparut dans cette première version, en 1739. Ensuite, durant deux siècles, ce nom est repris par une succession d'autres goguettes parisiennes qui se situent dans sa continuité jusqu'au fameux Caveau de la République, fondé en 1901 (qui n'est pas une goguette mais un cabaret.) Si le grand public connaît ce dernier, en revanche il a bien oublié les quatre sociétés parisiennes successives du Caveau. La première et la deuxième s'appellent le Caveau. La troisième porte le nom de Caveau moderne. Et la quatrième porte, à ses débuts, le nom des Enfants du Caveau, pour s'appeler ensuite simplement Caveau. C'est à celle-là que se réfère la légende de la photo d'Antonin Lugnier.

 

Le Caveau est une association festive et chantante. Piron, Charles Collé et Crébillon fils sont les fondateurs des Dîners du Caveau, connus par l'esprit et la gaîté des convives. À partir de 1726, ils soupent chez Pierre Gallet, leur ami, chansonnier tout aussi gaillard qu'eux. Ils échangent des textes de chansons, et c'est à un de ces soupers que « Reçois dans ton Galetas » et d' »Adieu donc, cher la Tulippe », leur font proclamer Crébillon fils, père de la chanson grivoise.

 

En 1759, un nouveau Caveau est fondé. On retrouve là divers membres du premier Caveau comme Crébillon fils, Collé, Gentil-Bernard ou Helvétius (!). En 1806, Armand Gouffé et le poète, chansonnier et libraire Pierre Capelle réorganisent les Dîners du Vaudeville, sous le nom de : Caveau Moderne.

 

M. Le Président

 

La quatrième société du Caveau reprend la tradition et fonde la société chantante Les Enfants du Caveau. On écarte les grivoiseries à la Crébillon fils et le cadre semble se raidir un peu car, dit le règlement : « La politique est formellement exclue des productions offertes par les Membres ou par les Visiteurs. La même exclusion (…) s'applique aux productions qui porteraient atteinte aux croyances religieuses ou qui renfermeraient des mots obscènes ou orduriers.»

 

Revenons à Lugnier, élu président du Caveau en 1924. Les réunions se déroulent au restaurant Coquet, non loin du domicile de Lugnier, à Montmartre. Cependant, le charliendin resté à Paris, n'a pas oublié sa ville de cœur : en 1929, il fait don d'une œuvre d'un artiste à la municipalité. Celle-ci fait en signe de reconnaissance, l'acquisition d'exemplaires de son livre, Une heure à Charlieu*, pour les distribuer dans les écoles publiques et privées de la ville, et en conserver à la bibliothèque.

 

Lugnier est toujours président du Caveau en 1939, il a 70 ans. L'entrée en guerre interrompt les activités de la société.

 

Paris est libéré fin août 1944. Antonin Lugnier meurt dans sa soixante-seizième année le 8 janvier 1945 à Montmartre. Quand la paix revient quatre mois plus tard, la quatrième société du Caveau ne reprend pas ses activités. Entreposés en Bretagne chez l'héritière du fils d'Antonin Lugnier, les archives de la société, collectées par Antonin, sont détruites par un incendie.

 

 

* le livre de Lugnier est ainsi chroniqué dans Le Bulletin de la Diana, février-mars 1929 : « Cette charmante plaquette, œuvre d'un enfant du pays, plaira à tous les Foréziens et intéressera les érudits du monde entier. Charlieu n'est-il pas le Pérouges du Forez, où les fouilles méthodiques réservent toujours des surprises, fondations d'église romane, vestiges antiques, etc. Antonin Lugnier s'est plu à mettre en relief les curiosités archéologiques qui, à Charlieu, surgissent à chaque pas, le cloître des Cordeliers, la vieille abbaye, le donjon, le logis du prieur, les vieux logis, de la rue Courte, de la rue du Tour de l'Eglise, de la rue Caraby, de la rue Chevroterie et jusqu'aux rives toujours fraîches du poétique Sornin où l'on s'arrête si longuement au vieux pont du Diable, évocateur de légendes, ou à ce fier manoir de Tigny, si majestueux dans sa simplicité. Ces pages d'un poète doublé d'un érudit feront aimer la petite patrie. »

 

 

 

 

 

 

Le Musée de la soierie

 

"C'est en 1992 que s'ouvre le musée de la soierie de Charlieu, bientôt augmenté d'un musée hospitalier. La combinaison peut paraître curieuse mais elle s'explique par le fait que ces deux thématiques font intimement partie de la mémoire collective de Charlieu. Les deux musées sont situés dans l'ancien hôpital. Ce qui fut un Hôtel-Dieu est un bâtiment du XVIIIe, dont les installations médicales sont restées dans leur jus milieu XXe avec une salle commune émouvante, des salles de soin, une belle apothicairerie du XVIIIe classée Monument historique… Le musée hospitalier témoigne des pratiques médicales du siècle dernier, telles qu'elles furent transmises par les dernières religieuses de l'ordre de Sainte-Marthe qui officièrent ici jusqu'en 1980. Salle chirurgicale, lingerie, salle d'accouchement, appareils d'époque pieusement conservés et qui sont aujourd'hui de véritables raretés : le musée hospitalier est un site habité, qui offre des visions fortes et surprenantes et permet de mesurer l'évolution des dernières décennies dans le domaine de la santé. Perfectionniste, la conservatrice Danièle Miguet (voir son portrait ici*), est allée jusqu'à faire reconstituer les odeurs des lieux car, dit-elle, le sens olfactif est un puissant vecteur de mémoire.

 

Quant au musée de la soierie, son existence était envisagée depuis longtemps par les Amis des Arts de Charlieu, et souhaitée par le maire de l'époque, M. Guillaud, lui-même industriel de la soie. C'est avec l'arrivée de Danièle Miguet, que le projet prendra corps (en 1992, donc). Les musées de Charlieu constituent un ensemble muséographique municipal labellisé « Musée de France ». Animations, visites guidées, démonstrations du fonctionnement des différents métiers à bras, mécaniques, avec ou sans navettes, à jet d'air, expositions temporaires… le musée de la soierie est un lieu vivant et riche et surtout relié de façon incarnée à la prégnance de l'histoire économique de la ville. Aujourd'hui, près de 10 000 personnes y sont accueillies chaque année.

 

La preuve de cette prégnance de l'histoire et de sa permanence dans les préoccupations des habitants de la région, se manifeste dès la première section du musée. Sont présentés là, une statue de Notre-Dame de Charlieu et un modèle réduit de métier à tisser (ces deux objets montés dans des châssis de bois qui permettent de les soulever et de les porter), et aussi des bannières de la corporation des tisserands (dont la plus récente est encore utilisée), autant d'objets qui sortent pour une procession annuelle, début septembre (voir article sur la corporation des tisserands). C'est un cas sans doute unique dans le domaine des collections muséographiques ! Un détail par lequel on saisit le rapport particulier de cet établissement lié à l'histoire avec la vie collective des habitants."